Un peu d'histoire

extrait de la revue "Radiofil" avril 2006

A la fin de la première guerre mondiale, le téléphone est loin d’être une priorité pour le gouvernement français qui laisse s’implanter une multitude de petits réseaux locaux peu compatibles avec une nouvelle technologie qui se développe rapidement à l’étranger : « La batterie centrale » technologie visant à supprimer au domicile des abonnés les piles et tous les inconvénients que cela représente.

      La demande se faisant de plus en plus pressante, les grandes agglomérations se verront progressivement équipées de ce nouveau type de central, ce qui amène l’administration à demander aux différents constructeurs de lui proposer un modèle d’appareil destiné à une grande diffusion et regroupant les derniers perfectionnements en la matière notamment la possibilité d’y adjoindre un cadran, les premiers centraux automatiques ayant fait leur apparition quelques années au par-avant (Nice en 1913 suivi de Bordeaux en 1918, etc.).
      C’est finalement LMT (Le Matériel Téléphonique) qui en 1924 sera retenu en proposant 2 modèles dans leurs versions murales et mobiles.

      Mais revenons un peu sur cette nouvelle technologie dite de la batterie centrale. Comment peut-on alimenter simultanément plusieurs téléphones par la même pile ou batterie dans ce cas, sans que pour autant les courants de conversation se mélangent ? Et bien tout simplement en insérant entre chaque ligne et la dite batterie, une self qui bloque les courants de conversation et empêche que ceux-ci se referment au travers de la batterie.

      Autre avantage, si l’on utilise cette self comme électro-aimant, il est possible d’avertir l’opératrice lorsque qu’un courant circule dans la ligne, c’est à dire lorsque l’abonné à décroché son combiné. La self se combine donc avec l’annonciateur. Cela en est fini des piles d’appel, des piles micro, mais également des magnétos, organe extrêmement coûteux.


       Intéressons nous maintenant au premier modèle proposé par LMT. Il est en tôle d’acier et s’inspire fortement du modèle américain cher à Eliot Ness ou à Mickey dans les tous premiers films de Wall Disney, d’ailleurs, le récepteur poire utilisé est importé des Etats Unis. Il faut dire que LMT est l’importateur exclusif pour la France de la marque Western Electric. Ce modèle n’aura que peu de succès tout au moins dans sa version mobile. Il restera cependant longtemps utilisé dans les centraux téléphonique, son micro d’excellente qualité servant de référence. Pour ce qui est de la version murale, on ne peut pas faire plus simple, coffret en tôle, micro solid-back avec fixation articulée sur le devant, fourche en U destinée à recevoir le récepteur poire sur le coté et petit crochet destiné au récepteur supplémentaire. Adieu l’esthétique, adieu les belles caisses en bois fruitier, on entre dans une nouvelle ère.


     Sur le plan technique, on note cependant quelques innovations : La bobine d’induction s’améliore, elle est feuilletée et comporte également un troisième enroulement d’anti-local. Le courant d’appel ne transite plus par des contacts de repos mais passe au travers d’un condensateur. Le récepteur supplémentaire présente une impédance plus élevée et se retrouve en dérivation sur le récepteur principal. Le micro, qui bien qu’étant d'aspect similaire aux modèles américains est de conception française, à poudre de graphite ce qui lui procure une excellente qualité. Les micros précédant étaient à bille ou grenaille de graphite. Quant-au câblage, il évolue fortement. Fini les torons soigneusement ficelés, il est réalisé en câbles 6/10eme coincés entre 2 feuilles de carton


     Attardons nous maintenant sur le second modèle proposé par LMT et n’ayons par peur de le dire, c’est une petite révolution. Il est en tôle emboutie et laquée noire, c‘est normal puisque l’on vise une grande diffusion. Non seulement son combiné est entièrement en bakélite, mais micro et récepteur sont sous forme d’une capsule facilement interchangeable. Même si la colonne est excentrée, l’utilisation d’une fourche déportée donne un certain équilibre à l’ensemble. Un emplacement est prévu pour le cadran. Dans le bas de l’appareil, on note sur les modèles administratifs, outre la plaque du constructeur, une seconde plaque en alu destinée à recevoir les 3 ponçons d’homologation.


      Quant-à la version murale, elle évolue légèrement. La fourche se modifie de façon à recevoir un combiné et le micro en façade cède sa place à un éventuel cadran. Sur le plan électrique, quelques petites évolutions avec le modèle précédemment décrit comme l’apparition de 3 résistances additionnelles combinées avec la bobine afin d’ajuster l’intensité en ligne et, point important, le récepteur du combiné qui devient électromagnétique.

Petite question : comment peut-on bobiner sur le corps d’une bobine d’induction plusieurs résistances sans pour autant perturber le fonctionnement de celles-ci ? et bien tout simplement en utilisant un fil résistant double et court-circuité à son extrémité ou un fil replié en son milieu. L’induction générée dans la première moitié est annulée par celle générée dans la seconde moitié. Il fallait y penser !. Ce procédé sera d’ailleurs utilisé dans les U43 c’est à dire jusqu’à dans les années 60.


     Jetons un petit coup d’œil sur le schéma de principe qui bien entendu est commun aux 2 versions murale et mobile. Comme dans tous les appareils, la ligne est connectée entre les plots L1 et L2. La sonnerie est connectée entre les plots S et L2 et se retrouve donc directement et en permanence sur la ligne au travers du condensateur de 2 uf ce qui affecte peu la conversation compte tenu de l’impédance élevée du circuit.
    Pour ce qui est des courants, leurs cheminements sont un peu plus complexes. On se contentera donc de noter que les résistances additionnelles, le micro, le récepteur et un enroulement de la bobine d’induction se retrouvent en boucle sur la ligne au décroché ce qui permet au récepteur électromagnétique d’être parcouru par un courant continu nécessaire à son fonctionnement, mais également d’ajuster l’intensité traversant le circuit. Quant-au micro, le courant de conversation généré par ses variations de résistance attaque au travers d’un condensateur l’enroulement de 7 ohms et est restitué en ligne par le second enroulement de 15 ohms, c’est l’enroulement de 625 ohms bobiné en sens inverse et connecté directement aux bornes des récepteurs qui joue le rôle d’anti-local. Les plots A1 et A2 destinés à la mise en place d’un cadran sont bien entendu court-circuités, nous y reviendrons plus tard.

    Sur le plan électrique, peu de changement au cours des 25 années durant les quelles a été fabriqué ce type d’appareil, excepté la capsule micro, bête noire de l’administration des PTT ou pas moins de 7 modèles ont été successivement répertoriés. A noter également vers 1940, l’apparition d'un nouveau modèle référencé 322 et équipé d'une bobine d’induction au circuit magnétique fermé et donc plus performante.
    Sur le plan matériel, également quelques évolutions . La première, invisible de l’extérieur concerne le condensateur. Pour un même isolement, sa taille diminuera de plus de moitié en 25 ans.







    A l’extérieur, le crochet commutateur réalisé à l’origine sous forme de 2 pièces en laiton brasé et donc relativement fragile devient après quelques années en laiton moulé. La pointe de la colonne à cette occasion s ‘émousse. Aux alentours des années 1938, la fourche se simplifie encore et devient en aluminium et le boîtier du récepteur devient en bakélite. Pendant les années de guerre, la fourche sera réalisée en fer émaillé. Après la guerre, la feutrine du socle disparaîtra également. Elle sera remplacée par 4 pieds en caoutchouc.

      Voilà pour ce qui est du modèle administratif, on peut toutefois préciser qu’avec ce modèle est apparu un système de nomenclature. Ainsi sur la plaque signalétique de l’appareil, outre le nom du constructeur et la date du marché, figure un numéro multiple du style 321-1 que l’on peut analyser comme suit : 321 est un numéro de série spécifique à un type d’appareil, en l’occurrence le classique mobile 1924. Ce sera 320 pour la version murale et 323 pour les modèles à solid-back. Le second chiffre précise l’organe en question. 1 pour l’appareil proprement dit, 2 pour le combiné, 3 pour le récepteur, etc... ce qui permet de s’assurer aisément que l’appareil que vous avez sous les yeux n’a pas le combiné ou le récepteur d’un autre modèle « Laurent » ou Marty 1936 par exemple.

     Comme pour le type 1910, on rencontrera des modèles non administratifs, c’est à dire vendus (450 francs en 1932) aux abonnés du téléphone et non loués. Ces modèles, en tout point identique sur le plan électrique conservent tout d'abord les formes de l'époque. Ils portent d'ailleurs la référence 321.














      Puis, vu le peu de succès rencontré, on se rapprochera de la forme originale . C’est ainsi que Jacquesson et Dunyach & Leclerc commercialiseront chacun de leur coté une version bois et une version bakélite. Voila pour ce qui est des modèles admis sur le réseau de l'état. On peut citer également Bailleux, A.O.I.P et Picart-Lebas qui proposent une version raccourcie utilisée principalement par la RATP. Il est également possible de rencontrer une version BL du 1924, seul, l'adjonction d'un discret bouton d'appel à droite de la colonne la différencie















                Le 1924 de comptoir

     Quelques mots sur ce type d'appareil qu'il est permis de rencontrer, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'un modèle particulier mais plutôt d'une adaptation ou dans l'épaisseur du socle, le constructeur a intégré un inverseur et un voyant.
     En position repos, la ligne aboutit sur l'appareil qui se comporte de façon clasique.
     Par contre, en basculant l'inverseur à gauche, on renvoyait la ligne sur un poste de cabine dont on en contrôlait l'occupation à l'aide du voyant.
     Dans l'autre position, la ligne était renvoyée sur une résistance simulant ainsi son occupation.
     Il est superflut de vous préciser que ce genre d'appareil se rencontait généralement dans les bars, bistrots et autres lieux publiques.