extrait de la revue "Radiofil" octobre 2007

Je pense que cet appareil emblématique des années d’après guerre ne sera pas sans rappeler quelques souvenirs à la plus part d’entre vous.

      Mais avant de rentrer dans le vif du sujet faisons un petit retour en arrière. La France est occupée, les matières premières font cruellement défaut notamment le cuivre mais paradoxalement à cette situation le gouvernement de Wichy regroupe téléphone et télégraphe au sein d’une direction autonome qui trouve même le moyen de développer un laboratoire de recherche auquel on confie la tache de d’étudier un nouveau modèle d’appareil téléphonique capable de s’adapter facilement aux nouveaux réseaux téléphoniques qui se sont développés quelques années au par avant.

      C’est ainsi qu’apparaît fin 1941 un nouvel appareil, le type DRCT également appelé LAURENT du nom de son concepteur alors ingénieur au SRCT (service de recherche et de contrôle technique).

      Cet appareil, référencè sous le N° 326 par l'administration des PTT, se veut universel, c'est-à-dire qu’il doit s’adapter non seulement au nouveaux systèmes récemment mis au point, je veux parler de l’automatique rural mais également à tous les systèmes existants et ils sont nombreux. Par une astucieuse combinaison de branchements et pontages réalisés sur un répartiteur interne, il fonctionnera sur les anciens réseaux BL c'est-à-dire que le micro sera alimenté par une pile placée chez le client et l’appel de l’opératrice se fera à l’aide d’une magnéto. L’appareil fonctionnera également sur les nouveaux réseaux dit d’ «automatique rural ». Dans ce cas, l’appel sera également généré par la magnéto mais l’alimentation du micro se fera par une batterie centrale. Troisième cas de figure, la batterie centrale intégrale. L’appareil sera alors équipé d’un cadran ou d’un cache et dans ce cas, l’appel de l’opératrice se fera par un simple décroché. Si l’on entre un peu plus dans le détail, on s’aperçoit qu’hormis sa magnéto poussoir et sa carcasse réalisée en bakélite moulée sous pression inspirée d’une forme apparue quelques années au par avant dans les pays anglosaxons cet appareil comporte peu d’innovations. D’ailleurs, son combiné est celui du modèle 1924 ou plus exactement 1934 car le récepteur n’est pas électromagnétique.




       Sur le plan électrique, sa bobine d’induction feuilletée était déjà utilisée sur les dernières séries de 1924. Seul l’apparition d’un condensateur dans le circuit de sonnerie et son câblage avec ses nombreux points de coupure ramenés sur un répartiteur offre quelque intérêt. En résumé, il faut considérer cet appareil comme le symbole d’un effort dans un pays qui a du mal à prendre conscience de l’importance du téléphone et qui de plus est en guerre .

       Quelques mots sur la magnéto poussoir parfois appelée magnéto DUCRUET . Son succès, on peut le dire, car elle sera fabriquée durant 30 ans c'est-à-dire jusqu’à l’arrivée de l’automatique intégral, repose sur 3 points. Tout d’abord, son encombrement, celui d’un cadran (D=80mm) ensuite, sa simplicité d’emploi grâce au poussoir et pour terminer, sa technologie innovante, rappelons le, nous sommes en 1943.

       Elle est donc constituée d’un induit bobiné sur un tore de tôle au centre duquel tourne un aimant cylindrique couplé à une petite roue libre entraînée par un secteur denté solidaire du poussoir. Si l’on ajoute à ça un boîtier en aluminium et le traditionnel groupe de contact, on ne pouvait faire plus simple. Seuls points faibles, la roue libre qui s’encrasse au fil du temps et les petites vis de fixation du poussoir qui cassent comme par hasard quand l’opératrice met un temps fou à répondre….

       Comme il est permis de s’en douter, le poste LAURENT offre quelques défauts, sa carcasse nécessite trop de bakélite, sa manipulation et le raccroché du combiné ne sont pas aisés mais surtout l’anti-local ne fonctionne correctement qu’en mode BL. En réalité, il ne sera fabriqué qu à un petit nombre d’exemplaires (50 000) d’autant qu’il n’est pas évident d’obtenir le téléphone en cette période troublée, ce qui fait que, 2 à 3 ans plus tard apparaît un nouveau modèle le U43, U comme universel et 43 comme l’année de sa conception.

      Entrons dans le vif du sujet et examinons en détail cet appareil qui rappelons-le sera fabriqué pendant près de 20 ans. Tout d’abord sa carcasse, elle est plus légère que celle du Laurent, renforcée aux endroits stratégiques, elle est aussi moins fragile. Son esthétique a évolué, apparition d’arrêtes vives qui préfigurent le style des années 50. Apparition d’un étrier sur le haut de l’appareil ce qui permet de le manipuler aisément. Apparition également d’un nouveau type de combiné ou non seulement le micro mais également l’écouteur se présentent sous forme d’une capsule facilement interchangeable. Sur le plan matériel, les différents éléments sont fixés sur une platine ou châssis. Possibilité également d’intégrer dans l’appareil un ronfleur, sorte de petite sonnerie interne.

      Sur le plan électrique, le problème de l’anti-local n’étant pas résolu, ce sont en fait 2 versions qui apparaissent sur le marché fin 1943. La première dite « universelle » et portant la référence 331 s’inspire très fortement du type Laurent et est essentiellement destinée à équiper les réseaux en automatique rural. La seconde dite « BCI » de référence 330 est destinée à remplacer le modèle 1910 dans les zones urbaine de moindre importance ou la batterie centrale toujours avec opératrice fait lentement son apparition.

       Quelques mots sur le schéma du modèle universel , schéma qui généralement est collé sur le fond de l’appareil et donc le plus souvent illisible. Sa complexité n’est qu’apparente, elle est due aux nombreux plots qui permettent les différentes combinaisons mais en y regardant de plus près, ce schéma ressemble étrangement au précédant, c’est d’ailleurs la même bobine d’induction qui est utilisée.


       Passons maintenant à la seconde version, le modèle BCI (batterie centrale intégrale) qui porte le référence 330 et regardons ce qui a changé. Tout d’abord la bobine d’induction, non seulement, elle a été recalculée, mais la résistance dans le circuit d’anti-local passe à 900 W ce qui le rend efficace. Apparition également d’une résistance de 100 W en série avec le condensateur, sans incidence sur le fonctionnement de la sonnerie, son rôle consiste à amortir efficacement les éventuelles étincelles générées par les contacts du cadran. A noter également, la résistance du récepteur supplémentaire qui passe à 1300 W, valeur assez élevée et surprenante en téléphonie . C’est en fait, le modèle le plus courant, d’autant qu’une astuce permet de remplacer le cadran par une magnéto, à tel point que sur les appareils destinés à une utilisation privée la référence n’apparaît généralement pas.



       La France sort de guerre et vous vous en doutez, la priorité n’est surtout pas au téléphone, aussi, mis à part l’apparition pour le cadran d’un disque perforé en plexiglas au environ des année 1950, il faut attendre 1954 pour voir quelques innovations. Tout d’abord, la mise sur le marché d’un modèle luxe. Electriquement en tous points identique au modèle BCI il est réalisé en mélanine blanche ou ivoire (la bakélite ne pouvant prendre des teintes claires) et porte le référence 339. A noter que au environ des années 60, certaines séries seront réalisées en kralalite, matière qui vieillit très mal et prend un aspect jaunâtre.


       A cette même époque apparaît également une version murale. Il faut dire que pour les demandeurs de ce type d’appareil on en était resté au 1924 boîtier tôle format « kilo de sucre » . Sur le plan électrique, une nouvelle bobine d’induction est mise au point, nettement plus performante sur le plan de l’anti-local, elle équipera dorénavant le modèle universel qui de ce fait prend la référence 328.


      Dans le cas ou vous seriez en possession d’une paire de ces appareils je parle du modèle universel de référence 328, il est possible d’établir une excellente liaison poste à poste et ce sur plusieurs kilomètres. Pour ce faire, vous devez connecter les postes entre eux, c'est-à-dire L1 sur L1 et L2 sur L2 et leur adjoindre pile et sonnerie en vous aidant du schéma de branchement ci-dessous dans le mode BL avec pile.



Si, vous êtes en possession d’un appareil dépourvu de plaques ou si la plaque ne comporte pas de référence, c’est généralement le cas des modèles non administratifs. Je vous invite à le démonter. Le châssis du modèle 328 comporte 2 petits borniers situés de part et d’autre du condensateur alors que le modèle 330 BCI qui ne convient pas du tout à cet usage n’en comporte qu’un situé à droite du condensateur. A noter que sur les schémas, les 4 plots de ces petits borniers sont repérés par des chiffres romains.






       On peut également notter quelques variantes qui intéresseront le collectionneur comme ce modèle en bakélite marron fabriqué par la SNCT dans les années 50 et ce modèle en fonte d'aluminium utilisé par la marine nationale, sans oublier les versions aux tons pastelles apparues en 1960 et en vente dans un grand magasin parisien.


       Quelques mots sur un autre modèle apparu brièvement en 1947 et qui ressemble fortement au type U43, même platine supportant les organes, même répartiteur, bobine d’induction et câblage identique au 331. Il ne diffère que par sa magnéto à manivelle, ce qui entraîne une carcasse bakélite plus trapue et son combiné qui toute fois, utilise les mêmes capsules micro et récepteur que le U43. Fabriqué en très petit nombre par Ericsson cet appareil est très souvent poinçonné (avec goût…) au fer rouge sur le devant.

       Tout comme pour le 1924 il existe une version dite de comptoit ou dans la sur-épaisseur du chassis on a intégré un commutateur afin de renvoyer la ligne vers une cabine et un voyant pour en surveiller l'utilisation.















       Voila pour ce qui est de l’histoire du U43 appareil qui sera utilisé jusqu’à dans les années 70. Mais on ne peut terminer sans dire quelques mots sur « l’automatique rural » système apparut en 1935 et qui n’avait en fait d’automatique que le non. Créé en fonction des spécificités du réseau téléphonique français constitué en zone rurale d’une multitude de petits centraux, son principe simple et rustique visait à assurer aux abonnés la permanence du service, ce qui était certes louable mais finalement freina l’automatisation intégrale du territoire.



       Petite anecdote, le premier système appelé SRCT utilisait le mode BL avec pile ce qui obligeait le client à donner un coup de magnéto en fin de conversation de façon à en avertir l’opératrice. Bien évidemment, cette manœuvre était souvent oubliée aussi apparut quelques années plus tard un système plus élaboré baptisé R6. Reprenant le principe de la batterie centrale il permettait à l’opératrice distante de superviser l’état de la communication.